Bori ou le culte de possession
Des chasseurs traditionnels faisant une démonstration mystique lors du festival Dokon Iska Dan Filingué, le 30 janvier 2022. Crédit : Assoumane Aboubaar / Studio Kalangou

Bori ou le culte de possession

La richesse culturelle du Niger est issue de la pluralité ethnolinguistique. Elle est respectueuse des rites traditionnels de possession. On parle de Bori  (en langue haoussa) ! Un culte religieux animiste où la manifestation des esprits ou génies est conditionnée par des rythmes musicaux précis d’instruments locaux. A cela, se joint des incantations.

Presque tous les groupes sociaux qui composent la population nigérienne partagent ce culte des ‘‘esprits’’ et des chants qui mettent en transe les initiés.

Dans la tradition orale africaine et nigérienne en particulier, les contes et légendes sont toujours accompagnés de musique tout aussi enivrante que terrifiante selon l’épopée contée.

Bori à Massalata

Situé dans le département de Konni, région de Tahoua, Massalata est un village nigérien connu pour ses pratiques mystiques animistes. Aucune des religions révélées n’y est pratiquée. Ni l’Islam, encore moins le christianisme !

Chaque année, au mois de février, les prêtres procèdent à la célébration d’une fête traditionnelle animiste. Plus connue sous le nom de « ARROUWA ». Au cours  de cette cérémonie, on y prédit l’avenir du pays à travers des génies qui apparaissent pour les initiés sous forme humaine.  

Une pratique ancestrale qui a traversé les âges, jusqu’alors préservé par les adeptes. Le grand jour, il est demandé aux croyants de partager des offrandes aux esprits. Des poulets, des parfums… « Nous avons aspergé les parfums pour les esprits, et ils ont accepté » déclare Ousmane, Sarkin Bori, le grand prêtre.

« Les esprits viennent discrètement la nuit et apparaissent comme des êtres humains pour nous livrer leurs messages ». Selon le grand prêtre, Ousmane Sarkin Bori, ils sollicitent leur aide pour que « le pays vive en paix ».

Bori guérisseur

Le culte de possession, malgré la manifestation des génies, il est également utilisé dans le traitement de certaines maladies.  Marie Mary est une prêtresse du culte Bori. Cet art joue un rôle crucial dans son travail notamment dans les soins mentaux. « Je travaille avec les génies, je fais de l’exorcisme et quand on y arrive pas, on essaie de dompter le génie » déclare la prêtresse. Quand il « fait du mal à la personne ou quand il fait perdre la raison à la personne, on l’exorcise ». C’est dans ces cas précis qu’à lieu l’exorcisme selon Marie.

« Je soigne les possédés et c’est seulement une année » après sans récidive qu’elle reçoit sa paie. C’est la condition fixée a confié Marie à Mariama Nouhou, correspondante de Studio Kalangou à Zinder.

Pour le traitement, la personne malade sert de réceptacle dans lequel le génie est invité. Certains parlent de sorcellerie encore de possession. Dans ce cas de figure, la prêtresse appelle le génie possesseur à se manifester chez le possédé. Là ! Il est interrogé ! Selon Marie Mary, « seuls les génies peuvent venir à bout d’autres »      

Bori dans la musique traditionnelle

Au Niger, quand l’on parle de musique moderne en lien avec la musique traditionnelle de possession, on voit Saadou Bori et Moussa Poussy. Deux virtuoses et précurseurs de ce genre musical. Tous deux chantent les éloges des génies, perpétuant une tradition chère aux adeptes. Bien qu’ils utilisent des instruments musicaux modernes tels que la guitare ou le piano. Il n’en demeure pas moins que ces artistes ont été fidèles dans leurs chansons à la tradition Bori.

Dans leurs chansons reviennent fréquemment les noms Dongo (tonnerre) et Cirey (rouge), des noms d’esprits. Moussa Poussy parlant de Cirey dans une de ses chansons : « Tu décapites ceux qui t’aiment quand tu les rencontres ; tes ennemis également tu les décapites ! Pourquoi fais-tu cela ? Tes amis peuvent devenir tes ennemis ; tes ennemis des amis ! Ceux qui ne te connaissent pas t’appellent Dongo. Mais tu es Cirey ! Celui aux 499 noms. » Un autre extrait, cette fois-ci de Saadou Bori, nous dit : « Celui qui à faim ne demande pas conseil ! Même en temps de famine, il n’hésite pas à passer à l’acte. Hommes résistez, je n’ai pas l’intention de vous ôter la vie. Je jure par Allah, Dongo, c’est celui de Moussa, son partenaire et sorcier. Dongo est unique et c’est le petit frère de Cirey Baba».

Ces deux illustres auteurs, compositeurs ont laissé un immense héritage à la jeune génération nigérienne. Moussa Poussy et Saadou Bori décédèrent dans le même mois de juin 2008.

Sur leurs pas, on trouve l’orchestre « Akazama » de Dogondoutchi dans l’Aréwa, région connue pour ses pratiques animistes. Un groupe musical composé de jeunes.

A écouter :

Musique : l’orchestre «Akazama» de Dongondoutchi innove

Le choix de ce groupe n’est pas fortuit explique Alhassane Abarchi, responsable de l’orchestre. « Le rythme du Bori, la danse des esprits qui met en transe, c’est une des cultures de l’Aréwa. Voilà pourquoi nous avons opté de jouer sur ce rythme. Nous choisissons un son de la danse du Bori par son rythme authentique que nous modernisons ».

Un héritage ancestral poursuit Alhassane le responsable de l’orchestre : « Ce n’est pas de l’improvisation. Nos chansons sont rythmées avec le son du Bori, il y a un esprit que cela concerne…. Ce n’est pas de l’amalgame, ce n’est pas du faux » a expliqué Alhassane Abarchi. Témoignant ainsi de l’authenticité de la musique Bori.

Faride BOUREIMA