Tahoua : 137 villageois tués dans le département de Tillia
Des soldats lors des exercices du Flintlock 2018 dans la région de Tahoua. CC-U.S. Army photo by SPC. Britany A. Slessman

Tahoua : 137 villageois tués dans le département de Tillia

Moins d’une semaine après le massacre de 58 civils à Banibangou, dans la région de Tillabéry, ce sont cette fois-ci 137 personnes qui trouvent la mort dans l’attaque de leurs villages dans la commune de Tillia (région de Tahoua) selon le bilan officiel du gouverment.

Le bilan encore provisoire, indique que les assaillants ont ciblé trois villages du département de Tillia : Intazayene, Bakorate, et le puits de Wirstane ainsi que des campements vers Akifakif. 

Dans un Tweet, Issoufou Mahamadou, le président sortant de la République du Niger a adressé ses condoléances à l’endroit des familles endeuillés.

Montée en puissance des attaques terroristes ?

La multiplication d’attaques contre des civils dans la région de Tillabéry au Niger aggrave la situation sécuritaire dans cette partie du pays et plus largement dans la zone dite « des trois frontières ». D’ailleurs en 2020, dans cette zone que partage le Burkina Faso, le Niger et le Mali plus de 1000 évènements violents ont été rapporté, des chiffres représentant près de 44 % des violences par rapport à 2019.

Au micro du Studio Kalangou, Assoumane Alhassane, préfet du département d’Abala (région de Tillabéry) rappelle les différents évènements sécuritaires qui ont touché son département. Malgré tout, selon Assoumane Alhassane « la peur a changé de camp, car maintenant ce sont ces terroristes qui ont plus peur que nos forces de défense et de sécurité ». Selon lui, cette situation s’explique du fait que l’État a changé de stratégie dans cette zone au lendemain de l’attaque de Tamalawlaw : «  au lieu de rester sur place et d’attendre, les éléments des forces de défense et de sécurité sont en patrouille permanente dans le département ».

Le début de l’année 2021 a été marqué par des attaques meurtrières à Tillabéry avec plus de 100 personnes civiles tuées dans les villages de Zaroumadarey et Tchomabongou. Le 15 mars 2021, dans le département de Banibongou, région de Tillabéry ce sont plus 50 personnes qui ont perdu la vie dans une attaque menée par des personnes armées non identifiées

Comment expliquer la recrudescence des attaques ?

Dans un article publié par le centre d’études stratégique de l’Afrique, en date du 14 janvier 2020 disponible ici, Laurence-Aïda Ammour expliquait que cette situation est principalement due au fait que les communautés rurales, prises entre les vols de bétails et des agressions terroristes, se sont organisées en s’armant pour faire face aux attaques d’extrémistes.

D’après Ibrahim Yahaya, analyste de l’International Crisis Group (ICG) « c’est en réaction à cette résistance qui s’organise localement que ces groupes ont perpétré ces massacres de masse un peu pour forcer ces communautés à se soumettre à leur dictat » .

Selon Ibrahim Yahaya, les attaques des villages de Zaroumadarey et Tchomabongou ainsi que celle du 15 mars 2021 dans le département de Banibongou ciblant des civils constituent une nouvelle dynamique dans cette crise sécuritaire qui s’installe de plus en plus.

Un conflit qui oppose l’armée régulière aux groupes terroristes et même entre groupes armées rivaux. Bien que ces attaques ne soient pas revendiquées « il fait très peu de doute qu’il s’agisse là des attaques perpétrées par des éléments du groupe de l’Etat islamique au grand Sahara très présent dans la zone nord Tillabéry », particulièrement dans cette bande où sont survenues ces massacres, indique l’analyste.

Pour Ibrahim Yahaya, il faut craindre que cette crise prenne un virage ethnique car « même s’il n’est pas totalement établit, il est quand même redouté et soupçonné par pas mal d’acteurs locaux ». Pour lui, l’Etat du Niger doit redoubler d’efforts pour éviter que la situation ne se détériore davantage.

Une réponse sécuritaire et sociale

Face à la montée en puissance de l’extrémisme violent, les pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont augmenté leur budget de défense doublant ceux de 2013 estimé à 3,4 % à 10,6 % en 2018 selon l’institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Sur les 5 prochaines années, Niamey entend doubler ses effectifs militaires, les portants à 50 000 hommes.

Le Niger et ses partenaires de la force française Barkhane ainsi que ceux du G5 Sahel mènent régulièrement des opérations conjointes visant les groupes terroristes. A travers les opérations militaires, Dongo et Saki 2, l’armée nigérienne offre aux communautés une protection tout en ciblant les groupes armés non étatiques.

Dans le cadre de la force conjointe du G5 Sahel, le Tchad a envoyé 1 200 soldats dans la zone des « trois frontières » située entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, pour lutter contre les djihadistes. Une décision prise lors du sommet de N’Djamena qui s’est tenu du 15 au 16 février 2021 sur le bilan de l’opération Barkhane au Sahel.

Une décision appréciée par certains citoyens de Tillabéry. « C’est une bonne chose en ce sens que c’est pour lutter contre les djihadistes… mais nous estimons que ces Etats doivent penser à d’autres stratégies » s’est exprimé un citoyen rencontré fin février par le Studio Kalangou. Pour un autre « c’est une belle chose que Barkhane soit relayée par une armée venant du G5 Sahel ».

« L’arrivée de cette base militaire va être un ouf de soulagement pour la population de ces trois pays » a confié un citoyen de Tillabéry. Des propos nuancés par d’autres dont un déclare « on a l’impression qu’ils ne sont pas ici pour lutter contre les djihadistes » au regard des attaques.

Au-delà de l’action militaire, le gouvernement nigérien à travers la haute autorité à la consolidation de la paix (HACP) mène des actions visant à répondre aux préoccupations des populations vulnérables. Le 23 janvier 2020, la HACP a lancé un vaste projet de « renforcement de la cohésion sociale et de développement des communautés de la région nord de Tillabéry ».

Ce projet ambitionne particulièrement la réduction des conflits intercommunautaires dans 9 communes en proie à l’insécurité, a expliqué Barmini Kaboyé, préfet du département de Bankilaré au Studio Kalangou, disponible ici.