Le sud-ouest du Niger face aux défis sécuritaires
Les forces armées nigériennes mènent un mouvement de convoi, un engagement de chef clé et un exercice d'embuscade pendant Flintlock 18 au Niger, en Afrique, le 15 avril 2018. Photo de l'armée américaine par le sergent. Jeremiah Runser. / Source :flickr.com

Le sud-ouest du Niger face aux défis sécuritaires

Le banditisme armé grandissant dans le sud-ouest pourrait accentuer la méfiance entre les communautés vivant dans cet espace et faciliter des mouvements qui peuvent être exploités par les djihadistes. Un banditisme violent venu du Nigéria. C’est ce que révèle rapport Afrique N°301 du 29 avril 2021 de l’International Crise Group (ICG).

Le Niger combat depuis une décennie déjà les groupes djihadistes présents sur son territoire et fait face depuis 2019 à des incursions de grande ampleur des groupes armés non étatiques. Le front sud du pays est régulièrement confronté au groupe nigérian, Boko Haram, avec l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap) ; et dans l’ouest du pays, frontalier avec le Mali, par des groupes affiliés à l’Etat islamique et à Al-Qaïda.

Quelle est la situation dans le Sud-ouest ?

La bande sud du pays, notamment la région de Maradi, fait face à une insécurité due au grand banditisme venu du grand voisin, le Nigéria. Depuis deux ans, les Etats de Katsina, Zanfara et Sokoto frontaliers avec cette région nigérienne fait face au problème d’insécurité. D’ailleurs pour lutter contre cette insécurité, les autorités nigériennes ont initié une opération militaire, « Faraouta Boushia ». Cette insécurité va de la région de Maradi jusqu’à Dogondoutchi (Dosso) traversant la région de Tahoua.

L’on se rappelle encore de l’enlèvement d’un ressortissant américain, Philip Walton, le 27 octobre 2020 par des hommes armés non identifiés dans la localité de Massalata (Niger). Il est libéré suite à une intervention des forces spéciales américaines le 30 octobre 2020 dans le nord Nigéria.

La commune rurale de Gabi, figure parmi l’une des collectivités territoriales nigériennes qui subissent ce banditisme. Pour mémoire dans la nuit du 5 au 6 février 2021, l’épouse du major de la case de Santé du village de Doumangada a été enlevée par des individus armés non identifiés. A l’époque des faits, cette commune rurale a enregistré plusieurs actes de banditisme armé. « A part les attaques de Bilma où ils ont pris beaucoup de gens (huit personnes). Maintenant encore, ils sont revenus dans la nuit du 5 au 6 février, ils ont tué une personne » expliquait le maire de Gabi au Studio Kalangou. Selon ce dernier, c’est au cours de cette même nuit qu’un second groupe a enlevé la femme de l’agent de santé. Ses ravisseurs ont réclamé la somme de 10 millions de franc CFA.

D’après Dr Dicko Abdouramane, enseignant chercheur à l’université de Zinder, « l’activité criminelle est considérée comme étant une alternance paisible. Parce que si vous regardez un peu la pratique telle qu’elle est faite au Nigeria. Ça permet non seulement au groupe djihadiste d’engranger des ressources lui permettant de coordonner ses actions, mais aussi d’entretenir une organisation criminelle ». Il ajoute que cette pratique est un moyen d’enrichissement rapide permettant aux « acteurs de s’enrichir et de créer les conditions aussi d’une terreur, d’une psychose qu’ils récupèrent et capitalisent ».

Ce banditisme transfrontalier avec ses « filières criminelles organisées » né au début des années 2010 s’est métamorphosé sous l’influence des « dynamiques extérieures ».

Avec la crise libyenne (depuis 2011), le trafic de contrebande (carburant, drogue) a « facilité et amplifié les flux illégaux provenant du Nigéria. » Cette économie de guerre permet aux groupes criminels nigériens et nigérians de s’approvisionner en armes issues « des stocks de l’ère Kadhafi ».

L’international Crisis Group rapporte que « des groupes d’autodéfense essentiellement haoussa sont en cours de formation dans la région de Maradi » pour « se protéger du banditisme ».

La connexion entre bandits armés et djihadistes

« Le risque qu’une insurrection, c’est-à-dire une hostilité ouverte et armée contre l’Etat, se développe est d’autant plus important que la région suscite l’intérêt croissant de groupes djihadistes venus du Sahel et du nord-est du Nigéria » explique ledit rapport. En effet, au Sahel il a déjà été observé une connexion entre des bandits locaux et djihadistes, ce cas de figure « pourrait se répéter dans cette zone ».

Sur la frontière sud-est nigérienne qui s’étend du département de DogonDoutchi à celui de Birni N’Konni est « d’ores et déjà une zone d’approvisionnement de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), qui y renforce progressivement son ancrage depuis 2018, et tente même d’y collecter un impôt de protection. » lit-on dans le rapport. Selon ce dernier, les groupes terroristes nigérians s’efforcent d’étendre leurs influences au nord-ouest du Nigéria, se rapprochant ainsi de la bande sud-ouest frontalière du Niger. Il s’agit des groupes terroristes Boko Haram ainsi que la faction dissidente de ce groupe.

La réponse sécuritaire des autorités

ICG rapporte que « le Niger a réagi très tôt à la dégradation de la situation dans la bande frontalière » en renforçant le maillage sécuritaire mais demeure insuffisant. Il est à noter que les forces armées nigériennes sont engagées sur plusieurs fronts dans le pays. Et face au caractère « transfrontalier de l’insécurité » la coopération entre les deux Etats (le Niger et le Nigéria) doit être renforcée afin d’apporter une réponse efficace à la situation. Une situation sécuritaire qui s’est dégradée, amenant les deux voisins à coopérer davantage, par contre « les autorités font encore trop peu pour empêcher le basculement des populations dans le banditisme ou prévenir l’émergence de situations insurrectionnelles ». 

Pour anticiper tous jaillissements d’insurrections dans cette zone, l’Internationale Crisis Group recommande « de réduire les injustices dont souffrent les pasteurs et de préserver la cohésion sociale ». Aussi, poursuive-t-il, le nouveau président élu du Niger doit faire « de l’élevage un domaine d’intervention privilégié ». En somme « les pasteurs devraient notamment être mieux représentés au sein des commissions foncières et disposer de plus de relais pour défendre leurs droits. Ils seraient ainsi encouragés à recourir à la loi plutôt qu’à la force. »

Pout l’ICG « L’Etat devrait encadrer strictement les groupes d’autodéfense et établir des dialogues communautaires tel qu’il a l’habitude de les promouvoir ailleurs au Niger. Enfin, l’Etat doit accentuer les efforts de sécurité pour prévenir la contagion des violences, en particulier en renforçant la coopération avec les Etats frontaliers du Nigéria, sans exclure de négocier la démobilisation de certains groupes de bandits. »

Pour l’ICG, les partenaires du Niger doivent être présents dans « ces zones avant qu’elles ne soient déstabilisées et pourraient soutenir financièrement un plan de prévention conçu et mis en œuvre par les autorités nigériennes ».

Faride Boureima.