Les tontines sur les réseaux sociaux : entre risques d’arnaques et émancipation de la femme
Binta Ndoye est assise sur une natte dans une maison de Grand-Mbao, le 9 mars 2017, alors qu'elle compte l'argent pour un projet de «cagnotte de la tontine», sous les yeux des membres / SEYLLOU / AFP

Les tontines sur les réseaux sociaux : entre risques d’arnaques et émancipation de la femme

L’adoption massive du téléphone portable et des réseaux sociaux a fait émerger de nouvelles formes d’organisations. Au Niger les tontines, généralement organisées par les femmes, sont en train de connaitre une forme de dématérialisation sur le plan organisationnel. En effet, il y a quelques années, la présence physique des participants était une condition sine qua non.

Aujourd’hui, les groupes s’organisent sur les réseaux sociaux, principalement via l’application WhatsApp. Une réorganisation qui impacte également la nature des services proposés. La tontine qui était largement financière concerne aujourd’hui une variété de biens (vaisselle, parcelle, encens, drap, etc.). « Les tontines électroniques sur les réseaux sociaux prennent de plus en plus de l’ampleur » indique Karki Ramatou Adamou, présidente de l’ONG ASEM (action pour la santé, l’éducation, l’émergence des enfants et des mamans) pour qui cette forme de tontine est « une très bonne initiative, parce que c’est de l’entraide » entre les femmes.

Un anonymat synonyme d’émancipation ?

Organiser des tontines sur les réseaux sociaux permet aux femmes de se libérer de certaines contraintes, notamment celle de se déplacer ou d’effectuer une activité économique sans l’aval de son mari explique Mme Sani Hadiza, présidente d’un groupe de tontine au micro du Studio Kalangou : « il y’a des femmes qui ne sont pas tellement libre, avec le travail mais aussi le mari. D’autres femmes mariées n’ont pas la possibilité de sortir à chaque fin du mois ».

Organisés sur les réseaux sociaux, les membres de ces groupes ne se sont parfois jamais rencontrés avant : « Le plus souvent, on se connait pas, mais on se fait confiance » rappelle Karki Ramatou Adamou, ce qui peut comprendre des risques.

La confiance régissant ces groupes est l’objet d’un consensus autour de la légitimité et de l’honnêteté des principaux organisateurs. D’ailleurs, Sani Hadiza indique qu’avant la remise des biens à un participant, il faut s’assurer que ce dernier soit bien identifié : « on fait un règlement parce que la personne est déjà connue…par au moins deux personnes » dans le groupe.

Comment parer aux arnaques ?

Pour Karki Ramatou Adamou, il faut nécessairement organiser « des rencontres. Ces rencontres là nous permettent de nous connaitre ». Ce qui diminue significativement les risques d’arnaques. Cependant, avec des participants souvent localisés dans plusieurs pays, les rencontres ne sont pas toujours évidentes. C’est pour cela que certaines organisatrices mettent en place un règlement. C’est notamment le cas de Sani Hadiza, qui indique par exemple que lorsqu’une personne souhaite se retirer, le règlement prévoit que cette dernière rembourse l’intégralité de ce qu’elle doit aux autres participantes.

 

Interview de Karki Ramatou Adamou, présidente de l’ONG ASEM 

Interview de Sani Hadiza, présidente d’un groupe de tontine