Doutchi : les petits commerces des enfants scolarisés, quelles conséquences sur leur cursus ?
Une fillette vendant des oeufs à des touristes dans une gare de Birnin Konni (région de Tahoua Niger) CC - Joris-Jan van den Boom - Source: flickr.com

Doutchi : les petits commerces des enfants scolarisés, quelles conséquences sur leur cursus ?

Au cours des voyages à travers les villes du Niger, sur les grandes routes, on assiste à des scènes pittoresques de petits vendeurs se ruant sur les véhicules, pour proposer des denrées. C’est le cas en quittant Niamey sur la RN1 (route national n°1), vers Birnin-Gaouré, région de Dosso. On remarque des jeunes filles qui se jettent sur les véhicules avec des plateaux sur la tête ou des marchandises à la main. Avec le consentement des parents, elles sont nombreuses à faire ce commerce, vendant des fruits de saisons, des petits beignets à travers les vitres d’un bus. On assiste à la même scène quand on arrive à Dogondoutchi, Doutchi pour les intimes, où les petits commerces des jeunes filles sont devenus un fléau. Écoutons les commentaires de Sarkin Noma de Doutchi, autrement dit, le chef des agriculteurs et chef de quartier, lors d’un forum le 2 juillet 2020 réalisé par le Studio Kalangou à Dogondoutchi : « il y a eu un grand changement dans nos traditions, quelques années auparavant, ce sont les femmes qui s’occupaient de la vente de ces produits alimentaires, cependant de nos jours les parents se sont fait remplacer par leurs filles au niveau des marchés et des gares pour ces petits commerces ». Sur la possibilité de combiner les études aux petits commerces, le chef de quartier donne un avis tranché « les filles en question sont pour la plupart scolarisées… on ne peut associer autre chose à l’école ».

La proximité de la commune de Doutchi sur la RN1 favorise ces petits commerces selon madame Balkissou Barazé, directrice départementale de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant : « le chiffre est vraiment énorme, puisque cela concerne les filles non scolarisées et les filles scolarisées…En pourcentage on peut dire donc de 45 jusqu’à 50 % des filles… » Explique cette dernière.

L’impact des petits commerces sur le rendement scolaire des filles

Madame Yahaya Hajia Fatima, responsable à l’inspection Doutchi 1 explique que beaucoup de jeunes tous secteurs d’études confondus du primaire au lycée exercent ces petits commerces tout en ajoutant que : « … ce n’est pas sans impact sur leur rendement scolaire parce qu’elles sont souvent absentes… elles sont là-bas aux heures de pointe dans les rues, en train de vendre leurs marchandises ».

Les raisons qui font de ces petites filles des petites commerçantes

Selon Balkissou Barazé directrice départementale de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant, le matériel fait partie de ce qui motive les mères de ces filles-là à les laisser exercer de petits commerces : « il y a aussi la vulnérabilité de ces familles, généralement ces filles-là viennent des familles vulnérables, c’est pour subvenir à leurs besoins » ce qui induit inévitablement du retard dans leur scolarité pouvant conduire jusqu’à l’abandon des études. D’autre part, pour Madame Yahaya Hajia Fatima, responsable à l’inspection Doutchi 1, l’extrême pauvreté des parents contribue à faire de ces petites filles de parfaites commerçantes, non seulement pour elles-mêmes mais également pour soutenir leur famille : « les parents ne peuvent pas subvenir aux besoins des enfants qu’ils ont en charge, alors ils sont obligés d’utiliser ces petites filles-là pour des activités génératrices de revenus ».

Les risques de ces petits commerces sur les jeunes filles

Au retard dans le cursus scolaire ou à l’abandon scolaire, s’ajoute les risques physiques que courent ces petites filles, explique une mère qui s’est confiée au micro du Studio Kalangou : « nous sommes vraiment conscientes des risques qu’elles encourent notamment les viols et c’est quelque chose qui arrive souvent ici à Doutchi, en fait si nous continuons à envoyer nos filles faire des petits commerces, c’est parce que nous n’avons pas d’autres alternatives, sinon personne ne souhaite mettre en danger sa propre fille ».

Le maire de la commune de Dogondoutchi a aussi tenu à ajouter un mot sur les risques et conséquences que ces jeunes filles encourent, à part le phénomène de viol, après s’en suit les grossesses. Notons cependant que la plupart de ces filles ne sont pas en âge de procréer. Ecoutons les propos du maire Samaila Adamou : « à travers cette activité que mènent nos jeunes filles dans les rues, il y a les risques de grossesses non désirées, parce que beaucoup de ces filles-là sont tentées par des rapports sexuels… il y a aussi le risque d’être infectées par des maladies sexuellement transmissibles, parce que ce sont des relations qui ne sont pas protégées et pas préparées » explique-t-il.

Toutefois, des mesures de prévention et de protection sont menées pour protéger ces petites et jeunes filles : « le service départemental de la protection de l’enfant avec des partenaires mènent des activités dans ce sens-là pour atténuer ce système de vente de produits fait par ces petites filles… », conclut le maire de la commune de Doutchi.