Tillabéry, le cœur d’une crise humanitaire
Vue du site des personnes déplacées d'Ayorou, le 7 décembre 2022 / Crédit photo : Assoumane Aboubacar / Studio Kalangou

Tillabéry, le cœur d’une crise humanitaire

Crise de protection. Menace des groupes armés non étatiques. Sécurité alimentaire. Mouvement de populations et décrochage scolaire. La situation humanitaire dans la région de Tillabéry est l’une des crises prolongée et dynamique qui en dépit des efforts des autorités et des acteurs humanitaires et de développement semble ne pas reculer.

Depuis plus de trois ans, la région, localité située au cœur de la zone dite des trois frontières connaît diverses violences.

Depuis 2018, cette région est devenue l’épicentre de la violence dans tout le pays, Tillabéry est connu pour l’aggravation de cette situation.

Une succession d’évènements ayant entrainé des déplacements forcés de populations.

Déplacement forcé

À la date du 5 septembre 2022, environ 153 455 personnes, soit plus de 24 000 ménages déplacés internes (PDI). Des chiffres en baisse par rapport au mois de juillet 2022 (156 107 PDI). Selon le ministère nigérien de l’action humanitaire, ces déplacements concernent 12 des 13 départements que compte la région de Tillabéry.

Cette baisse s’explique notamment par l’amélioration de la situation sécuritaire. D’ailleurs 3101 PDI sont retournées dans leurs villages d’origine dans les communes de Gothèye, Dargol, Torodi, Téra et Tondikiwindi. Toutefois souligne OCHA, « au cours du mois d’août à novembre 2022, le département de Torodi a continué d’enregistrer de nouvelles personnes déplacées internes ». Au cours des mois de juillet et août 2022, environ 240 nouveaux ménages se sont ajoutés aux 23 000 déplacés soit 1 032 personnes ont été enregistrées. Ces déplacements risquent de se poursuivre dans les prochaines semaines à Torodi, Téra, Gotheye en raison des menaces de représailles qui pèsent sur certains villages frontaliers, où les GANE continuent d’opérer. 

Ayorou, la vie des déplacés

Loin de leur habitat d’origine, les personnes déplacées essayent de reconstruire leur vie sur le site d’accueil. C’est le cas d’Adam Ibrahim. Il est le représentant de la jeunesse sur ledit site.

Bien qu’il soit dans un environnement accueillant et de paix, loin de la menace directe des GANEs, le chômage est en face. « Ici, nous n’exercerons aucune activité ! » a déclaré Adam. Il espère un retour définitif de la paix, afin de retourner sur ses terres. «  Si aujourd’hui, les autorités nous informent que la paix est définitivement revenue, nous allons partir ». À ces propos, ajoute Tadora Isiwahar, représentante des femmes déplacées « Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous avons quitté notre village ». 

Un retour difficile bien que la peur soit encore présente dans leurs esprits. « Ici même nous avons peur à plus forte raison là où nous avons quitté » s’est confié Adam Ibrahim. Pour Tadora, « on aimerait bien retourner, mais la violence est toujours là ».

À cette situation se greffe la problématique de l’éducation  avec des centaines d’écoles fermées.

Assurer la continuité de l’éducation

En fin septembre 2022, la région de Tillabéry totalise 817 écoles fermées sur les 2 678 que compte la région soit  784 écoles primaires et 33 établissements secondaires. Une situation qui touche 72 431 élèves, dont 34 464 filles.

Ce chiffre des écoles fermées a connu une hausse de soit de plus de 116% (de 377 écoles en 2020-2021 à 817 en 2021-2022). Ce qui confirme l’aggravation continue de la situation sécuritaire dans les zones concernées ainsi que la menace persistante sur le secteur éducatif dans ces localités.

Plusieurs écoles du département d’Ayorou sont fermées notamment celles de la commune rurale d’Inatès. Pour assurer la continuité de l’éducation, des centres de regroupement ont été mis en place.

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C’est le cas de « l’école centre Inatès déplacée », logée au sein du site des déplacés. Ledit centre regroupe quatre écoles fonctionnelles dont, « l’école d’Inatès, Agansourgou Alata, Tagounet et celle de Damanas ». Pour un effectif total de 599 élèves dont 298 filles répartis dans 15 salles de cours.

Il est à préciser que ce centre regorge également une école passerelle.

Grâce à une dotation de l’agence de coopération internationale allemande pour le développement, GIZ, la cantine scolaire de cet établissement est à nouveau fonctionnelle. Deux rations sont servies aux élèves, une le matin et le repas du soir. « Grâce à cette dotation, nous avons constaté une ponctualité ainsi que le maintien des élèves dans le système scolaire » a déclaré Issa Zakariaou. Il est le directeur de l’école centre Inatès déplacées.

Pour Tadora Isiwahar, représentante des femmes déplacées, « les enfants fréquentes les écoles » et d’ajouter « qu’il y a même une cantine » pour les enfants.

Dans ce contexte de crise éducative, les autorités nigériennes ont élaboré « une feuille de route pour l’opérationnalisation des centres de regroupement et écoles d’accueil ». Ce qui a été validée et partagée aux partenaires de l’Etat du Niger pour leur positionnement.

La prise en charge sanitaire

En 2018, une série d’attaques à l’ouest du Niger a provoqué des déplacements internes des populations dans la région de Tillabéry.

Plus de 11 000 personnes ont fui les violences dans la commune d’Inatès, où, même le centre de santé intégré, (CSI) s’est déplacé à Ayorou.

Malgré l’appui de l’Etat et de ses partenaires au développement, le CSI d’Inatès fait face à quelques difficultés. Le centre de santé d’Ayorou ne peut pas contenir ce flux de populations. Une vague qui a rapidement submergé les offres de services dudit centre de santé.

Abdoulaye Doumma, est le médecin chef du CSI d’Inatès. Selon, le médecin, « ce n’est pas moins de 40 à 50 consultations médicales par jour » qui sont effectuées.

La prise en charge médicale est gratuite pour les enfants et les personnes adultes. « Que ce soit les enfants des moins de 5 ans, que ce soit les adultes, tout est pris en charge » a souligné le médecin.

Plusieurs maladies sont enregistrées dont les infections respiratoires aigües et le paludisme. Malheureusement, précise Abdoulaye, le mois dernier son centre de santé à  enregistré, « pas moins de 112 cas de malnutrition aigüe modérés pour 49 cas de malnutrition aigüe sévère ».

Les données de fréquentation du centre de santé d’Inatès font état d’une plus grande fréquentation des femmes que les hommes. À titre illustratif, ce sont 7 consultations pour les femmes contre 1 pour les hommes.

Pour les évacuations sanitaires d’urgence vers les centres de santé spécialisés de Tillabéry, le district sanitaire a mis à la disposition du CSI d’Inatès déplacés une ambulance. Le carburant est pris en charge par les partenaires humanitaires.

« Tout est bon avec l’Etat et les partenaires » conclut Abdoulaye Doumma, le médecin du centre de santé intégré d’Inatès.

Faride BOUREIMA.