Niger : plus de 53,000 enfants privés de leurs droits à l’éducation
Un enfant se rendant à l'école sur le site des déplacés d'Ayorou, le 12 avril 2021. CC-Faride Boureima / Studio Kalangou

Niger : plus de 53,000 enfants privés de leurs droits à l’éducation

Dans la région de Tillabéry, la persistance de l’insécurité perturbe l’apprentissage des enfants à l’école.

L’insécurité provoquée par la présence des Groupes Armés Non Étatiques (GANE) opérant dans la zone des trois frontières impacts sur l’éducation des enfants. Et cela, provoquant des mouvements de population à l’ouest de la région de Tillabéry.

La fermeture des écoles à Tillabéry

Selon les autorités, en fin d’année 2020-2021, près de 23,66 % des écoles de la région sont fermées pour raison d’insécurité. Ce qui représente 579 écoles sur les 2 247 établissements scolaires que compte la région.

Le rapport d’OCHA Niger en date du 20 décembre 2021 fait état de 53,562 enfants dont 25,828 filles qui sont privés de leurs droits à l’éducation. Une situation qui résulte des activités liées aux groupes armées non étatique.

Sur l’ensemble des treize départements que compte la région de Tillabéry, dix de ces départements ainsi que 21 communes subissent de front cette situation.

Dans le département de Torodi, sur les 154 écoles de la zone, 93 établissements sont fermés. Ces données proviennent de « la lettre N°05/21-22/ICEP Tdi du 13 novembre 2021 de l’inspecteur de Torodi ».
Dans cette localité frontalière du Burkina Faso, ce sont 12,186 enfants, dont 5,917 filles qui sont privés de leurs droits à l’éducation. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait. Soit, c’est parce que « les écoles ont été forcées de fermer ». Ou bien les « parents n’ont pas les moyens de les envoyer dans les localités où il existe encore des écoles fonctionnelles ; souvent, faute d’infrastructures d’accueil, certaines écoles ne peuvent pas accueillir de nouveaux élèves pour assurer la continuité pédagogique. »

Malgré le contexte sécuritaire, 57 % des écoles (89 sur 154)  « encore fonctionnel » en fin d’année 2020-2021 « ont effectivement rouvert leurs portes à la rentrée d’octobre, cette année, indiquent les autorités ».

Selon les prévisions des acteurs de l’éducation, cette année, les besoins de la région vont augmenter. Et cela, « à cause de la forte menace sécuritaire consécutive à la montée en puissance des groupes armés le long de la frontière avec le Burkina Faso ».

En 2020, « 377 écoles ont été fermées à travers la région, affectant plus de 30 000 enfants ».

Selon le bureau de coordination humanitaire des Nations Unies (OCHA) Niger, l’insécurité touche 781 enseignants dans la région de Tillabéry.

Le cas d’Ouro-Gueladio

La commune rurale d’Ouro-Gueladio, département de Say, frontalière à celles de Makalondi et Torodi enregistre 25 établissements scolaires fermés. Selon la direction départementale de l’éducation de Say, dans cette commune rurale, 2 375 élèves sont privés d’éducations.

Le 12 novembre 2021, des hommes armés non identifiés ont fait irruption dans le village d’Ouro-Guéladio détruisant des infrastructures. À l’époque des faits, ces hommes armés ont incendié le bureau du directeur du collège, le domicile du directeur de l’école primaire et une classe. La cantine scolaire a également été saccagée.

« Je ne sais plus quoi faire, j’avais voulu faire un transfert à Say, cela n’a pas marché et je n’ai pas les moyens de m’inscrire dans une école privée en ville. Pour le moment, je traine » a déclaré un scolaire de la zone au Studio Kalangou. « Avec la fermeture de l’école, je suis le troupeau au pâturage, nous attendons de voir si l’école va reprendre. Si l’école ne reprend pas, nous risqueront de perdre tout ce que nous avons appris » s’inquiète un écolier. Pour lui, « la reprise est importante » pour eux dit-il ; tandis qu’un de ses camarades s’interroge sur leur avenir. Car « aller à l’école et suivre le pâturage ne sont pas comparables ».

La direction départementale de l’éducation de Say a enregistré 352 demandeurs de transfert émanant des collégiens du complexe général d’enseignement général (CEG) d’Ouro-Gueladio vers d’autres établissements non touché par l’insécurité. À date, seule 168 demande de transfert ont abouti.

Certains des apprenants sont d’ores et déjà tentés par la migration. « J’attends de voir si les cours vont reprendre cette année, sinon je pense partir en exode dans un autre pays ».

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Dans cette commune rurale du département de Say, ce sont 1133 filles qui sont privées de leurs droits à l’éducation.

Les réponses à la crise

Le 20 novembre dernier, les acteurs de l’éducation national et régional ainsi qu’humanitaire étaient à Tillabéry pour chercher des réponses à cette crise. Parmi les recommandations, figure la création des centres de regroupements permettant la continuité pédagogique. Malheureusement, cette solution présente des inconvénients selon Issoufou Arzika Nanaigé, secrétaire général du Syndicat National des Enseignants du Niger (SNEN). « Si les terroristes visent des écoles, ils seront encore plus alléchés de voir plusieurs écoles regroupées dans des camps ».

La résilience à ce choc passera par l’originalité des solutions proposées telles que « la formation à distance, le numérique ou encore par radio et la télé ».

Compte tenu de la situation qui prévaut dans la région de Tillabéry, d’importantes ressources financières doivent être mobilisées part les différents acteurs, de développement ainsi que les humanitaires. Et ce, pour répondre aux besoins de l’école dans cette région apprend-on dans le rapport d’OCHA du 20 décembre passé.

Notons que dans le plan de réponse humanitaire 2021, plus de seize millions de dollars américains sont requis pour le secteur de l’éducation. Pourtant, en fin novembre 2021, seule 20.5 % ont été mobilisé soit 3,4 millions de dollars.

Faride BOUREIMA.