Niger : Les jeunes face à la santé de la reproduction
Aminata Bangaé prenant une pilule contraceptive au CSPS Centre de Santé et de Promotion Sociale de Moaga / Ollivier Girard / Nairobi Summit on ICPD25 / Source :flickr.com

Niger : Les jeunes face à la santé de la reproduction

Au Niger, la santé reproductive des adolescents et des jeunes est au cœur des préoccupations des autorités et ce depuis l’appel dit de Matamèye. C’est en février 1985 que le président Seyni Kountché a lancé cet appel suite aux multiples grossesses observées dans cette composante de la population. Une situation qui a eu comme conséquences des abandons scolaires, des avortements à risque ou encore des infanticides….

L’appel de Matameye invitait « les parents d’élèves et les responsables du système éducatif à plus de responsabilité dans la sécurisation des adolescents et des jeunes, en l’occurrence les filles ». Comme on peut le lire dans le rapport de décembre 2020 sur la cartographie des acteurs impliqués dans l’éducation à la santé reproductive des adolescents et des jeunes « depuis cet appel historique, tous les documents stratégiques nationaux d’orientation ont toujours fait une mention spéciale sur la situation sanitaire et sociale des adolescents et des jeunes. »

C’est ainsi que les premiers textes juridiques relatifs à la contraception volontaire ont été adoptés en avril 1988.

L’assemblée nationale a adopté le 21 juin 2006, la loi sur la santé de la reproduction au Niger. L’article 5 de cette loi stipule que «  Tout individu, tout couple a droit à l’information, à l’éducation et aux moyens nécessaires concernant les avantages, les risques et l’efficacité de toutes les méthodes de régulation des naissances. »

Les jeunes s’éduquent à la santé de la reproduction

Avec 7,6 enfants par femme, le Niger est le pays ayant le plus fort taux de fécondité au monde et une population très jeune (les personnes de 0 à 24 ans représentent plus de 65,6 % de la population (INS). Ce qui représente un énorme potentiel pour le pays, et le gouvernement du Niger accorde une place de choix à cette tranche de la population dans ses grandes orientations de développement. Aussi, la jeunesse représente un enjeu stratégique non seulement dans le cadre de la lutte contre les maladies et infections sexuellement transmissibles, mais aussi pour combler le déficit d’accès à une information de santé de qualité.

Sur les trois (3) centres sur la santé de reproduction dédiés aux jeunes que compte Niamey, quelques-uns ne sont plus fonctionnels. Le centre ami des jeunes du quartier Boukoki est un cadre dont se sert la jeunesse pour se former sur cette thématique.

« Quand tu ne sais pas qui approcher, tu as honte de quelqu’un, tu te rends directement ici » au centre ami des jeunes, « des sages-femmes sont là pour t’écouter dans l’anonymat » a expliqué Abdou Nazifatou, ambassadrice de la santé de la reproduction. Une réponse à l’anxiété et la peur que ressentent les jeunes filles lors de leurs premières menstrues.

« Si le jeune n’est pas bien accueilli, il ne va pas avoir confiance en vous » a déclaré Mme Djambala Maimouna, sage-femme au centre ami des jeunes de Boukoki. L’accueil des jeunes permet d’établir une confiance entre les deux interlocuteurs afin que le jeune « se sente à l’aise, qu’il se sente chez lui » mais aussi de savoir que les sages-femmes sont là pour lui.

Dans le centre de Boukoki, la planification familiale, le dépistage volontaire ainsi que le traitement syndromique des infections sexuellement transmissibles sont gratuits.

Au Niger, l’introduction des premiers cours d’éducation sexuelle ont suscité beaucoup de réaction dans la population notamment de la part de certains leaders religieux, contraignant le gouvernement a retiré ces modules des programmes éducatifs. Les parents quant à eux les considèrent comme une incitation à la débauche.

Cependant, on constate un certain engouement des jeunes pour la santé de la reproduction (SR). Ils n’hésitent pas à partager leurs vœux de se faire former sur la SR. « Avant de commencer à venir ici, j’ai informé mes parents et ils ont accepté » a confié Oumalher Idrissa au Studio Kalangou. Elle ajoute que grâce aux formations reçues, désormais elle est en mesure de se protéger non seulement des IST mais aussi de prévenir les grossesses indésirables.

« Je sensibilise aussi mes ami(es) pour qu’ils viennent au centre ami des jeunes afin qu’ils s’informent » sur la santé de la reproduction a conclu Oumalher.

Avec le covid-19, l’approche s’adapte

Depuis l’avènement de la pandémie de la maladie à coronavirus, l’UNFPA alertait déjà contre une baisse des services essentiels santé sexuelle ainsi que de la planification familiale.

Dans ce contexte du covid-19, au Niger, les jeunes ont dû s’adapter et opter pour une nouvelle approche intégrant les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Le choix des outils digitaux (réseaux sociaux) joue un rôle important dans le cadre des formations sur la santé de la reproduction.

Selon Nassyra Soumaila, membre d’Afriyan Niger, « dans le cas du projet ‘‘ C’est la vie ’’ avec le consortium ‘‘Ratanga club’’, nous faisons les sensibilisations à travers les réseaux sociaux, où, les jeunes pouvaient interagir en posant des questions pour plus d’explications sur des thématiques liées à la santé de la reproduction ».

Le covid-19 a eu un impact fort considérable sur la formation de proximité des jeunes explique Nassyra Soumaila, « Je me rappelle encore d’une campagne organisée par le réseau des jeunes ambassadeurs pour dire non à la mise en quarantaine des droits à la santé sexuelle et reproductive en période pandémique. »

C’est en ce sens que grâce à leurs actions « les violences basées sur le genre, l’accès aux services de la santé de la reproduction et la Pf en période covid-19 ont été pris en compte à travers une campagne de sensibilisation sur l’utilisation des TIC » pour promouvoir les services SR/PF pendant la pandémie.

L’utilisation de ces outils se heurte à un défi de taille, celle de l’accès à internet des jeunes en milieu rural. Néanmoins, les jeunes connaissent la SR autant en ville qu’en milieu rural dixit Nassyra.

« L’information passait beaucoup plus dans les grandes villes. »

Pour Nassyra Soumaila, « chaque fois que l’occasion se présentait, parler de SR entre jeunes est beaucoup plus pratique et permet aux jeunes de mieux s’exprimer sans tabou ».

Faride BOUREIMA.