Au sahel, les enfants en proie à une violence sans précédent alerte l’ONU

Le dernier rapport annuel du Secrétaire général de l’ONU sur les enfants et les conflits armés dresse un bilan alarmant pour 2024 : les enfants du Sahel, notamment au Niger, au Burkina Faso et au Mali, subissent de plein fouet la violence des conflits. Recrutements forcés, meurtres, enlèvements, attaques d’écoles et d’hôpitaux s’intensifient dans un contexte de délitement des États et de violences armées.

Un contexte régional explosif

Le rapport, qui couvre l’année 2024, constate une augmentation sans précédent de 25 % des violations graves contre les enfants dans les zones de conflit à travers le monde. Plus de 41 000 violations graves ont été enregistrées, atteignant un niveau inédit depuis près de trois décennies.

Le Sahel, en particulier le Niger, le Mali et le Burkina Faso, est une des régions les plus touchées, en proie à l’insécurité chronique, à la multiplication des groupes armés et à la fragilité des institutions nationales indique le rapport.

Le Niger : violences persistantes et manque d’accès humanitaire

Au Niger, 329 violations graves ont été vérifiées, affectant 304 enfants (184 garçons et 120 filles). Les actes les plus fréquents sont :

  • Les enlèvements de masse, qui concernent 202 enfants, attribués principalement à des groupes jihadistes comme Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’awati Wal-Jihad (JAS), l’État islamique au Grand Sahara (ISGS) et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP).
  • Les meurtres et blessures de 78 enfants, principalement dus à des tirs ciblés.
  • L’utilisation et le recrutement d’enfants dans des groupes armés non étatiques (35 cas vérifiés).
  • Les attaques sur les infrastructures civiles, avec huit attaques visant écoles et hôpitaux.
  • L’accès humanitaire restreint, entravé par au moins un incident confirmé de refus d’accès aux humanitaires.

Le rapport souligne également la détention prolongée de sept enfants par les autorités nigériennes, en contradiction avec le protocole de remise signé en 2017 avec l’ONU.

Malgré tout, l’ONU souligne positivement les initiatives des autorités de transition du Niger visant à élaborer une stratégie de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) intégrant la protection des droits des enfants. Il les incite à poursuivre, en collaboration avec l’ONU, les efforts de réintégration des mineurs touchés par les conflits. Le rapport appelle également à l’élaboration d’une feuille de route pour l’application du protocole de remise signé en 2017, ainsi qu’à garantir l’accès des Nations Unies aux centres de détention.

Le Burkina Faso et le Mali : des chiffres tout aussi préoccupants

  • Burkina Faso : 1 125 violations graves vérifiées. Le pays déplore notamment la mort ou la mutilation de 708 enfants, l’enlèvement de 309 autres et des recrutements par les groupes jihadistes comme JNIM et ISGS. Des acteurs étatiques tels que les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) sont également impliqués dans des cas de violences sexuelles.
  • Mali : 892 violations ont été documentées, dont 387 cas de meurtres ou mutilations. Le recrutement forcé (285 cas) reste largement répandu, notamment par Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM), mais aussi par des groupes comme la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ou les forces gouvernementales. Les violences sexuelles, les attaques contre les écoles et les enlèvements complètent un tableau sombre.

Implications régionales et perspectives

Le rapport met en lumière la détérioration généralisée de la situation sécuritaire dans le Sahel, accentuée par les retraits de missions de maintien de la paix de l’ONU, la baisse du financement pour la protection des enfants, et l’usage accru des milices ou forces de sécurité privées.

La fragmentation des acteurs armés, la circulation d’armes, le changement climatique et dans certains cas la défaillance des États à assurer la protection des civils aggravent encore la situation des enfants. L’ONU déplore l’impunité persistante et appelle à un renforcement urgent des mécanismes de protection, de prévention et de réponse.

L’ONU appelle les États du Sahel à :

  • Former les forces de sécurité au droit international humanitaire et aux droits de l’enfant ;
  • Cesser les détentions arbitraires de mineurs pour association présumée à des groupes armés ;
  • Garantir un accès humanitaire libre et sécurisé aux zones touchées ;
  • Renforcer les programmes de réintégration des enfants libérés ou ex-associés à des groupes armés.