Dans un entretien diffusé le samedi 31 mai 2025 sur les antennes de la Radiotélévision du Niger (RTN), le président de la République, le Général Abdourahamane Tiani, s’est exprimé en détail sur la situation sécuritaire du Niger, les enjeux régionaux, le rôle des puissances étrangères, ainsi que les relations du Niger avec certains pays voisins. Il a aussi abordé l’exploitation des ressources naturelles et s’est longuement exprimé sur l’engagement attendu des populations. Retour sur les points essentiels de ce entretien.
État de la situation sécuritaire au Niger
Le président Tiani reconnaît que la situation sécuritaire dans le pays reste difficile, mais affirme qu’elle est sous contrôle. Il rend hommage aux forces de défense et de sécurité ainsi qu’aux populations civiles et militaires tombées dans le cadre de cette guerre.
« Nous sommes en état de guerre… une guerre néocoloniale. »
Il explique que la menace est alimentée par des intérêts géopolitiques et géostratégiques visant à préserver des privilèges coloniaux dans l’espace sahélien, désormais ciblé après le déplacement progressif des foyers de crise depuis le Moyen-Orient.
Rôle des puissances étrangères
Le Général Tiani accuse la France, avec l’appui de l’Union européenne et du régime sortant des États-Unis, de chercher à déstabiliser le Niger. Il cite la création de deux cellules par l’Élysée : l’une dirigée par Jean-Marie Bockel et l’autre, la « cellule Sahel », par Christophe Guilhou.
Ces structures, selon lui, disposent de « fonds illimités » et ont pour mission de :
- conduire des opérations subversives,
- diaboliser les relations entre les États de la Confédération et des pays comme la Russie, la Chine, l’Iran ou la Turquie,
- amplifier ou manipuler toute information relative à la Confédération.
La force unifiée des États du Sahel
Le président a également confirmé l’existence d’une force unifiée de la Confédération des États du Sahel, opérationnelle depuis juillet 2023, née du refus du Mali et du Burkina de laisser la CEDEAO attaquer le Niger.
« Donc la force unifiée de la Confédération est une réalité. Elle opère, elle monte en puissance.»
Selon lui, cette force a déjà mené au moins trois opérations tripartites, la plus récente ayant eu lieu entre janvier et février 2025.
Relations avec le Bénin et le Nigeria
Le président revient longuement sur les tensions avec le Bénin et le Nigeria, qu’il accuse tous deux d’accueillir ou de soutenir, directement ou indirectement, des opérations étrangères contre le Niger.
Concernant le Bénin :
« La frontière avec le Bénin restera fermée tant que le Bénin ne comprendra pas que le combat que nous faisons, ce n’est pas contre le Bénin, mais contre les troupes françaises de déstabilisation qui sont sur le territoire béninois. »
Il reproche à Cotonou de n’avoir jamais reconnu la présence de ces troupes, en dépit des déclarations publiques françaises, et d’avoir abandonné le nord du pays à des groupes armés, facilitant leur implantation.
En réaction, le ministre béninois des Affaires étrangères, Olushegun Bakari, a déclaré le 1er juin que le Bénin restait ouvert au dialogue, affirmant : « Nous avons le devoir de trouver le créneau pour pouvoir continuer à travailler ensemble. Parce que c’est ça qu’attendent nos peuples. »
Sur le Nigéria, Tiani affirme que ce pays a servi de base de repli aux forces françaises expulsées du Niger, et accuse les autorités nigérianes d’avoir participé à plusieurs réunions avec des groupes terroristes pour planifier des actions contre le Niger, citant des dates précises : le 25 janvier et le 3 février 2025 notamment.
Expulsion du CICR
Le Général Tiani justifie l’expulsion du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) du territoire nigérien par sa supposée implication dans des opérations de financement de groupes armés.
Il affirme que :
- Le CICR a participé à des réunions avec des représentants terroristes.
- Des comptes liés à la Croix-Rouge ont été utilisés pour transférer des fonds en dessous ou au-dessus d’un milliard de francs CFA.
- Des lettres signées par un responsable du CICR auraient été adressées directement à des chefs terroristes.
« Le 4 février, nous avons pris la décision d’expulser le CICR. »
Il accuse également certains représentants du CICR d’avoir plaidé leur cause auprès des chefs terroristes, ce qui, selon lui, a conduit à des exécutions internes dans ces groupes.
Exploitation des ressources naturelles par la CNPC
Le président nigérien est aussi revenu sur l’exploitation du pétrole par des sociétés chinoises. Il évoque un audit ayant mis en lumière :
- des écarts de salaires injustifiés entre expatriés et Nigériens ;
- une garantie du pipeline par le Niger lui-même, alors que ce sont des entreprises privées qui en sont propriétaires ;
- des négociations avec des bandits armés, organisées en sourdine par les dirigeants chinois, sans en informer l’État nigérien.
Le problème de la réhabilitation du site COMINAK par Orano
Le président nigérien a profité de son entretien pour revenir sur la fin de la coopération avec Orano, géant français du nucléaire, opérant depuis plus de 50 ans dans le secteur de l’uranium au Niger. Il qualifie cette relation d’inégalitaire et prédatrice, car elle a profité à la France, mais au prix de la pauvreté et des souffrances du peuple nigérien.
Il reproche notamment à Orano d’avoir abandonné les travaux de réhabilitation du site de la Cominak, une ancienne mine fermée, laissant au Niger le soin de gérer les conséquences environnementales et sanitaires d’un demi-siècle d’exploitation.