Bilma face à la menace de l’ensablement
Bilma affronte depuis plusieurs décennies l'avancée implacable du désert. Photo par Alessandro Vannucci - Source: flickr.com

Bilma face à la menace de l’ensablement

Dans les confins du nord-est du Niger, Bilma affronte depuis plusieurs décennies l’avancée implacable du désert et la menace grandissante de l’ensablement. Ce phénomène, où les grains de sable sont transportés et s’accumulant face à tout obstacle sur leur chemin, s’étend de l’est à l’ouest et du nord au sud dans ce département. Les conséquences de cette situation inquiétante sont multiples, affectant à la fois l’environnement et l’économie local.

Les raisons de l’ensablement à Bilma

Selon le commandant Hassane Inoussa Amadou, directeur départemental de l’environnement et de la lutte contre la désertification de Bilma, ces phénomènes quoique naturels, sont accentués par diverses actions humaines et animales. On peut citer en premier lieu, le déboisement. « Plus la population s’adonne à la coupe abusive du bois vert, plus elle ouvre le passage à l’ensablement. Celui-ci a des répercussions sur nos infrastructures socio-économiques telles que : les puits, les points d’eau, les bâtiments, les salles de classe et même les salines ». L’accroissement de la population fait aussi partie des facteurs qui favorisent cette avancée du désert. Car « plus la population augmente, plus la recherche d’autres terres cultivables devient nécessaire. Et pour cultiver les terres, il faut déboiser et défricher. Il faut mettre des cultures sur brûlis, c’est-à-dire qu’il faut brûler l’endroit. Et tout cela crée des brèches pour le passage du vent », ajoute le commandant Hassane Inoussa Amadou.

D’autre part, il convient également de considérer le surpâturage comme l’une des principales causes de l’ensablement, fréquemment attribué à la traversée des caravaniers. En effet, la ville de Bilma, renommée pour être l’épicentre du commerce caravanier, voit passer chaque année un grand nombre de troupeaux, contribuant ainsi à la progression de ce phénomène. « Même si Bilma n’est pas une zone d’élevage par excellence, chaque année c’est au moins un troupeau de mille chameaux qui y séjourne », s’inquiète le directeur départemental Hassane Inoussa Amadou. « Et pendant ce passage, l’on sent les dégâts causés par ces animaux sur les espaces forestiers », ajoute-il.

A tout ceci s’ajoute le changement climatique. Ce dernier se traduit par la chaleur de plus en plus intense ces dernières années. « Plus il fait chaud, plus la nappe phréatique s’abaisse et plus les plantes n’arrivent plus à puiser l’eau nécessaire à leur survie. Ils finissent donc par se dessécher et cela crée des passages à l’ensablement »

Interview intégrale du commandant Hassane Inoussa Amadou

La régression des terres de culture et la disparition de la végétation

De 1960 à 1986, les terres cultivables de cette zone sont passées de 45 550 hectares à 28 700 hectares selon une étude menée par l’UNSO (United Nation Saharo-sahelian Organisation) indique le commandant. Soit une régression de 16 800 hectares en 26 ans. « Cette régression s’explique essentiellement par l’ensablement continuel dans la zone », explique le commandant Hassane Inoussa Amadou. La végétation et même la faune, ne font pas exception à cette réalité. « Le sable a englouti les cuvettes, les vallées et les points d’eau. Ce qui cause la disparition de plusieurs espèces végétales. Et lorsque certaines espèces végétales disparaissent, certains animaux disparaissent aussi. S’il n’y a pas d’arbres, la faune aussi disparaît », ajoute-t-il.

L’économie du sel en danger

Un travailleur dans les salines de Bilma, une oasis au milieu du désert du Tenerè au Niger. Photo par Alessandro Vannucci

Bilma est également célèbre pour sa production de sel. Une activité de plus en plus menacée par l’ensablement. À Kalala, le site d’extraction du sel, de nombreuses salines sont déjà recouvertes de sable. Les exploitantes, majoritairement des femmes, expriment leur inquiétude quant à l’avenir de leur principale source de revenus. Âgée d’une soixantaine d’années, Kagana Abari travaille à Kalala depuis sa tendre jeunesse. Au fil des années, elle a vu plusieurs salines disparaître à cause de l’ensablement. « Le grand problème auquel nous sommes confrontés, c’est celui de l’ensablement. Le sable menace nos salines, certains sont même déjà envahis et ne sont plus praticables aujourd’hui ». Inquiète, elle ajoute « L’exploitation du sel, c’est aussi une occupation pour les jeunes. Avec cette menace de disparition, les jeunes n’auront plus de travail sur le long terme ».

Interview de Kagana Abari.

Des efforts de prévention insuffisants

Afin de contrer ce fléau et d’amoindrir ses répercussions, les travailleuses des salines développent des stratégies, mais celles-ci semblent jusqu’à présent peu efficaces pour endiguer le problème. « Pour lutter contre l’ensablement, dès que l’on creuse un puits, il faut tout de suite le clôturer. Et plus le sable avance plus il faut rehausser la clôture. Mais malgré tout cela le sable finit par nous envahir », explique Kagana.

De son côté, la direction départementale de l’environnement de Bilma sensibilise. Elle exhorte autant qu’elle le peut, à réduire la coupe abusive du bois vert et la plantation des arbres. « Ce n’est que par la plantation des arbres que nous pouvons mettre fin à l’ensablement » explique Hassane Inoussa Amadou. « Nous faisons aussi la fixation des dunes. Il y’a d’abord la fixation mécanique qui consiste à utiliser les palissades avec les branches des dattiers, mais il faut aussi à chaque fois renforcer par la plantation d’arbres », conclut-il.

Fanta Chamsou.