Sahel : Prendre en compte les besoins fondamentaux des civils dans la crise
Camps des déplacées de Inatès à Ayorou / CC- Faride Boureima / Studio Kalangou

Sahel : Prendre en compte les besoins fondamentaux des civils dans la crise

Le 13 avril 2021, une cinquantaine d’organisations de la société civile sahélienne et internationale ont présenté un nouveau rapport sur la situation sécuritaire au sahel. Ce rapport « Sahel : Ce qui doit changer » de la coalition citoyenne pour le Sahel propose une nouvelle approche afin de ramener la paix au Sahel après 8 ans de conflit. Il met l’accent sur « une nouvelle approche centrée sur les besoins des populations ».

La problématique Sahélienne

Les violences contre les civils au sahel entre 2017 et 2020 ont été multipliées par cinq, « le nombre de civils tués ou de suspects non-armés y compris des femmes et des enfants est passé de 356 à 2443 », des violences multipliées par 7 a expliqué Dr Niagalé Bagayoko, la présidente de l’Africain Security Sector Network au Studio Kalangou.

Selon le rapport de la coalition citoyenne pour le Sahel disponible ici, en 2020 « davantage de civils ont été tués ou blessés par les forces de sécurité sahéliennes que par les groupes djihadistes. ».

Depuis 2018 ces violences ont contraint environ 2 millions de personnes (dont près de 1,2 millions d’enfants) à fuir leur domicile. Aussi près 15 millions de sahéliens « ont désormais un besoin urgent d’assistance humanitaire soit une augmentation de 60 % au cours de la seule année dernière ».

Pour Assitan Diallo, Présidente de l’Association des Femmes Africaines pour la Recherche et le Développement (AFARD, Mali) « Quand un tambour prend un rythme endiablé, c’est le moment de s’arrêter, ou de voir le tambour s’éventrer. Nous vivons dans un contexte d’enfer au Sahel. » Elle ajoute que « Les populations civiles ne sont pas seulement des victimes à secourir, elles sont aussi partie prenante de leur propre destin. »

Dr Niagalé Bagayoko estime que « l’approche actuelle a échoué à endiguer les attaques des différents groupes armés », des attaques « qui ont doublé depuis 2016 ».

Une situation qui doit amener à l’écoute de la société civile sahélienne. Selon Assitan Diallo « Les chefs d’État ont finalement reconnu que le tout militaire ne marche pas. Ils doivent maintenant mettre en œuvre la nouvelle approche que nous proposons. ».

Sahel : ce qui doit changer

1. Placer la protection des civils au cœur de la réponse à la crise au Sahel

Selon Dr Dr Niagalé Bagayoko « plutôt que de mesurer le succès des opérations engagées qui demeurent nécessaires », la coalition citoyenne estime que « les modalités d’évaluation de leurs succès est inapte à embrasser la réalité actuelle ». Au-delà des résultats engendrés par les actions militaires sur le terrain, il faut évaluer les actions entrepris à l’endroit des civils. Pour cela dit Dr Niagalé Bagayoko l’évaluation doit répondre à un certain nombre de questions « combien de centres de santé ont pu ouvrir grâce à l’intervention militaire ? Combien d’écoles accueillent de nouveau des enfants ? Est-ce-que les populations peuvent désormais accéder à leurs pâturages pour élever leurs bétails ou à leurs champs pour les cultiver ? … » .

La coalition citoyenne recommande également l’élargissement de l’initiative MISAD (mécanisme d’identification, de suivi, et d’analyse des dommages causés aux civils) par toutes les armées nationales au Sahel. Cette initiative mise en place par le G5 Sahel vise l’amélioration de «  la dignité des civils » ainsi que la réduction des « dommages causés aux civils » répondant ainsi « aux efforts de protection des civils » a affirmé Jean Ouédraogo Coordinateur Général du MISAD lors du lancement de cette initiative.

Le MISAD est lancée le 27 Janvier 2021 à Bamako, au Mali.

2. Appuyer des stratégies politiques pour résoudre la crise de gouvernance au Sahel

La crise de gouvernance au sahel est la source de la déstabilisation de cette zone du continent africain. Solutionner cette crise nécessite l’implication des « forces politiques qui sont engagées » mais aussi par la mise en place « de dialogues locaux » et surtout « par des autorités locales ». Cette sollicitation inclusive, favorise « une approche globale » a confié la présidente de l’Africain Security Sector Network, Dr Niagalé Bagayoko au Studio Kalangou.

Pour Dr Niagalé Bagayoko, il est « indispensable de s’attaquer à la crise de gouvernance » en sanctionnant « tout ce qui touche au détournement des budgets dans le domaine de la défense ». Des détournements qui « malheureusement vus et mis en exergue par des autorités Etatiques » dans les armées du Niger et du Mali poursuit-elle.

La coalition citoyenne au sahel espère qu’à travers ce second volet, les auteurs de détournements portant sur la défense feront l’objet de poursuites et condamnations.

3. Répondre aux urgences humanitaires

Selon Dr Niagalé Bagayoko « la réponse humanitaire au sahel est sous financé ». L’accessibilité des humanitaires aux populations est également une problématique dont il faut pallier.

Le plan de réponse humanitaire au sahel doit non seulement être financé à hauteur de 80% et d’un autre côté l’importance d’aller vers un « dialogue civilo-militaire », afin qu’il n’y ait pas d’entrave dans l’accès des humanitaires à la population.

Dr Niagalé Bagayoko souligne que cet accès ne doit pas être entravé par « un certain nombre de chevauchements dans la mise en œuvre des projets sur le terrain et d’autre part faire en sorte que l’action humanitaire ne soit pas empêcher par des législations ».

Cette facilitation que recommande la coalition citoyenne pour le sahel promeut aussi « l’assistance humanitaire, aux moyens d’existence et aux services sociaux de base, sans discrimination » à la population.

4. Lutter contre l’impunité

En considération des violations commises par les forces de défense et de sécurité et les milices, « y compris concernant les violences sexuelles liées au conflit, permettrait de rompre le cycle de la violence et de restaurer l’autorité de l’État » la coalition recommande « une politique de tolérance zéro ». A l’heure actuelle aucun procès « de soldats sahéliens responsables » sur les exactions n’a eu lieu a expliqué Dr Niagalé Bagayoko.

La coalition pour le sahel défend l’idée d’une procédure judiciaire indépendante et impartiale afin que les auteurs d’exactions contre les civils « responsables des milices, de groupes d’autodéfense ou de soldats » puissent répondre de leurs actes. Par exemple en ce qui « concerne les massacres d’Inates au Niger, De Djibo au Burkina Faso ou d’Ogossagou au Mali » conclut la présidente de l’Africain Security Sector Network, Dr Niagalé Bagayoko.

Le rapport « Sahel : Ce qui doit changer » précise que la lutte contre l’impunité doit s’accompagner d’un renforcement « des capacités » et « des ressources des systèmes judiciaires sahéliens », aussi bien que la protection des victimes et des défenseurs des droits humains.

BOUREIMA Faride