Mali : Les sanctions de la CEDEAO sont «  disproportionnées par rapport aux réalités que nous traversons aujourd’hui » selon Boubacar Bacoum
Le président du CNSP (Comité National pour le Salut du Peuple) Assimi Goita (C) se préparant à une rencontre entre des chefs militaires maliens et une délégation de la CEDEAO dirigée par l'ancien président nigérian le 22 août 2020 / ANNIE RISEMBERG / AFP

Mali : Les sanctions de la CEDEAO sont « disproportionnées par rapport aux réalités que nous traversons aujourd’hui » selon Boubacar Bacoum

Au lendemain de la prise du pouvoir par les militaires maliens, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a pris certaines sanctions à l’encontre du pays, notamment la fermeture des frontières aériennes et terrestres de même que la suspension de certaines coopérations économiques. Mais pour Boubacar Bacoum qui est analyste politique au Mali et membre du groupe du centre d’études stratégiques, cette décision est totalement « disproportionnée par rapport aux réalités que nous traversons aujourd’hui. Et nous pensons que cette CEDEAO s’inscrit dans la défense des intérêts des chefs d’Etat africains qui participent à cette zone plutôt que ce soit la CEDEAO des peuples ».

Peut-on parler d’un coup d’Etat ?

Au micro du Studio Kalangou, Boubacar Bacoum pense qu’on ne peut pas attribuer un tel qualificatif à la situation qui prévaut actuellement au Mali : « la CEDEAO se met dans la logique d’un putsch alors qu’il s’agit en fait d’une mobilisation générale civilo-militaire qui est permise dans le droit international relatif au droit économique et au droit civil qui date de 1976 dont le Mali a ratifié ». De plus, du point de vu de la constitution malienne, Bacoum précise que l’article 121 « permet d’aller à une désobéissance civile avec une bonne organisation et de la méthode, pour faire fléchir le gouvernement dès lors que la forme républicaine de l’Etat est menacée ». De son point de vu, un putsch est une situation dans laquelle les militaires arrachent le pouvoir pour l’exercer. Ce qui n’est pas le cas au Mali du fait que la junte propose une transition.

La durée de la transition fixée à 3 ans pose-telle problème ?

L’annonce d’une transition de trois ans a suscité beaucoup de réactions dans le pays. Relayée par les médias, cette information a aussitôt été nuancée par la junte comme on peut le voir sur tweet ci-dessous.

Mais pour Boubacar Bacoum : « Il y a des fuites qui font qu’effectivement on parle de 3 ans…ce n’est pas le timing qui pose problème, c’est le contenu qu’on va mettre dans cette transition » même s’il soutient qu’une transition ne doit pas durer dans le temps.

Une mobilisation générale « civilo-militaire » ?

Le Mali « n’est pas dans un cadre de putsch, mais plutôt dans le cadre d’une mobilisation générale civilo-militaire ». Pour Boubacar Bacoum, la nature de cette prise de pouvoir ne mérite pas le traitement qui lui est attribuée. En effet, ces sanctions de la CEDEAO ont suscité de l’incompréhension puisqu’en établissant une analogie avec le printemps arabe, on se rend compte qu’on n’a pas le même regard : « nous sommes étonnés qu’en la faveur du printemps arabe qui a occasionné le même phénomène en Egypte, en Algérie, en Tunisie et puis dans certains pays du Maghreb que la communauté internationale ne s’en offusque pas et qu’on se précipite pour prendre des sanctions par rapport au Mali».

D’autant plus que ces sanctions ne feront qu’aggraver la situation déjà difficile qui prévaut au Mali : « nous sommes dans une situation d’insécurité totale et économiquement le pays est mal géré ».

 

Interview de Boubacar Bacoum, analyste politique au Mali et membre du groupe du centre d’études stratégiques