Niger : Cohabitation belle-mère belle-fille : asservissement ou domination légitime ?
Dans un foyer nigérien / Anne Mimault-fondation hirondelle

Niger : Cohabitation belle-mère belle-fille : asservissement ou domination légitime ?

Dans la société nigérienne, l’on assiste parfois à la cohabitation, sous le même toit, entre belle-mère et belle-fille. Nous entendons par belle-mère, la mère du mari, comme elle est communément appelée au Niger. Cohabitation qui quelquefois se révèle être un véritable calvaire pour la belle-fille, elle se retrouve à faire toutes les corvées de la maisonnée, et/ou parfois même à subir la méchanceté de sa belle-mère.

La cohabitation entre belle-mère et belle-fille vient de très loin dans la tradition, notamment en zone rurale. Elle se fait encore aujourd’hui même en zone urbaine. Le jeune marié aménage avec sa femme dans la concession familiale, où vivent déjà ses parents dont sa mère ses frères et sœurs. Cette cohabitation qui autrefois était signe de la bonne éducation reçue par la jeune fille et de la générosité de la belle famille, peut de nos jours conduire à la séparation du jeune couple, lorsqu’elle se passe mal. Dans la société actuelle, qu’elle réussisse ou qu’elle rate, elle ressemble plutôt à une nouvelle forme d’asservissement qui ne dit pas son nom.

Asservissement : pourquoi ?

Cette cohabitation peut être qualifiée d’asservissement du moment où toutes les contraintes subies par la belle-fille sont pour faire plaisir à la belle-mère. C’est dans ce sens que Mr Ali Bouzou SG de l’ONG Timidria affirme que c’est de l’esclavage moderne car il n’y a ni liberté ni égalité dans cette relation : « quand vous prenez un exemple d’une femme qui vit avec sa belle-maman, tout ce qu’on lui fait subir n’est pas de son propre gré, contraintes psychologique et morale… ».

Or le mariage est supposé être entre deux personnes, le mari et la femme, mais en fin de compte, la belle-fille se retrouve mariée à toute une famille, celle de son mari. En plus, traditionnellement, la belle-mère doit être considérée comme sa propre mère par sa belle-fille, donc celle-ci ressent une certaine obligation envers elle. La plupart des belles-mères profitent de ce sentiment d’obligation pour mener la vie dure à leurs belles- filles.

Pour le sociologue Nassirou Saidou, cette cohabitation est légitime, surtout en milieu rural, car : « C’est la famille qui crée les conditions dans lesquelles le couple va vivre. La fille ayant observé elle-même comment elle est arrivée. On est obligé de parler souvent de ce que les gens ne veulent pas entendre, la domination légitime, elle (la belle-fille) doit être redevable vis-à-vis d’un tel ou d’un tel, et de facto, elle se laisse dominer légitimement ».

Le plus souvent préserver leur foyer est ce qui pousse les belles-filles à subir certains traitements sans broncher. En dépit de cela il y’a aussi le poids de la société qui veut que la belle-fille soit irréprochable, répondant positivement à toutes les demandes de sa belle-famille. Dans certains cas ces belles-mères se mettent en compétition avec leurs belles-filles. Comme dans le cas de Nana Mariama Moutari qui explique son cas : « Du jour au lendemain, les choses se sont compliquées… ma belle-mère se considérant comme une rivale… vous imaginez un peu ? C’est compliqué aujourd’hui, je suis chez moi, chez mon mari, je travaille, et je n’ai même pas mon mot à dire… pas le droit de m’habiller comme je veux ». Et le mari et fils à la fois, se retrouve, quant à lui, entre le marteau et l’enclume.

La cohabitation belle-mère belle-fille devient difficile lorsqu’il y a mésentente entre les deux parties. On peut parler d’asservissement quand vraiment la belle-mère prend sa belle-fille pour une esclave, en lui faisant faire toutes les tâches ingrates de la maisonnée, et en supposant que seuls ses désirs comptent, piétinant tous désirs de sa bru.